Essais et conférences, Bâtir, habiter, penser,

Publié le : 26 octobre 20207 mins de lecture

“Nous essayons de réfléchir à l’être de l’habitation. L’étape suivante sur notre chemin serait la question : qu’en est-il de l’habitation à notre époque qui donne à réfléchir ? Partout on parle, et avec raison, de la crise du logement. On n’en parle pas seulement, on met la main à la tâche. On tente de remédier à la

crise en créant de nouveaux logements, en encourageant la construction d’habitations, en organisant l’ensemble de la construction. Si dur et si pénible que soit le manque d’habitations, si sérieux qu’il soit comme entrave et comme menace, la véritable crise de l’habitation ne consiste pas dans le manque de logements. La vraie crise de l’habitation, d’ailleurs, remonte dans le passé plus haut que les guerres mondiales et que les destructions, plus haut que l’accroissement de la population terrestre et que la situation de l’ouvrier d’industrie. La véritable crise de l’habitation réside en ceci que les mortels en sont toujours à chercher l’être de l’habitation et qu’ils leur faut d’abords apprendre à habiter. Et que dire alors, si le déracinement (Heimatlosigkeit) de l’homme consistait en ceci que, d’aucune manière, il ne considère encore la véritable crise de l’habitation comme étant la crise (Not) ? Dès que l’homme, toutefois, considère le déracinement, celui-ci déjà n’est plus une misère (Elend). Justement considéré et bien retenu, il est le seul appel qui invite les mortels à habiter. Mais comment les mortels pourraient-ils répondre à cet appel autrement qu’en essayant pour leur part de conduire, d’eux-mêmes, l’habitation à la plénitude de son être ? Ils le font, lorsqu’ils bâtissent à partir de l’habitation et pensent pour l’habitation.”

Martin Heidegger, Essais et conférences, Bâtir, habiter, penser, coll, TEL Gallimard

“Nous avons résumé en une introduction philosophique sans doute trop longue des thèses générales que vous voudrions mettre à l’épreuve dans cet ouvrage ainsi que dans quelques autres que nous nous leurrons de l’espoir d’écrire encore. Dans le présent livre, notre champ d’examen a l’avantage d’être bien délimité. Nous voulons examiner, en effet, des images bien simples, les images de l’espace heureux. Nos enquêtes mériteraient, dans cette orientation, le nom de topophilie. Elles visent à déterminer la valeur humaine des espaces de possession, des espaces défendus contre des forces adverses, des espaces aimés. Pour des raisons souvent très diverses et avec les différences que comportent les nuances poétiques, ce sont des espaces louangés. A leur valeur de protection qui peut être positive, s’attachent aussi des valeurs imaginées, et ces valeurs sont bientôt des valeurs dominantes. L’espace saisi par l’imagination ne peut rester l’espace indifférent livré à la mesure et à la réflexion du géomètre. Il est vécu. Et il est vécu, non pas dans sa positivité, mais avec toutes les partialités de l’imagination. En particulier, presque toujours il attire. Il concentre de l’être à l’intérieur des limites qui protègent. Le jeu de l’extérieur et de l’intimité n’est pas, dans le règne des images, un jeu équilibré. D’autre part, les espaces d’hostilité sont à peine évoqués dans les pages qui suivent. Ces espaces de la haine et du combat ne peuvent être étudiés qu’en se référant à des matières ardentes, aux images d’apocalypse. Présentement, nous nous plaçons devant des images qui attirent. Et en ce qui concerne les images, il apparaît bien vite qu’attirer et repousser ne donnent pas des expériences contraires. On peut bien, en étudiant l’électricité ou le magnétisme, parler symétriquement de répulsion et d’attraction. Un changement dans les signes algébriques y suffit. Mais les images ne s’accommodent guère des idées tranquilles, ni surtout des idées définitives. Sans cesse l’imagination imagine et s’enrichit de nouvelles images. C’est cette richesse d’être imaginé que nous voudrions explorer.”

Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, Introduction (Paris : PUF, 1957, réédition 2001, pp. 17-18)

Rencontre avec Julien Lamy, Professeur certifié de philosophie, ATER à l’Université Lyon 1 . Julien Lamy est doctorant à l’Institut de Recherches Philosophiques de Lyon (Université Lyon 3), membre du bureau de l’Association des Amis de Gaston Bachelard et rédacteur en chef de Cogitamus, lettre biannuelle d’information bachelardienne.

Il propose dans ses recherches une relecture globale de l’œuvre bachelardienne, à partir d’une interrogation renouvelée sur les rapports problématiques et complexes qui s’y tissent entre rationalité et imaginaire, épistémologie et esthétique, culture scientifique et culture littéraire.

Il s’agit, à partir de la matrice constituée par la double dimension des travaux de Bachelard, non seulement de s’interroger sur l’idée d’une rationalité ouverte et plurielle ; mais aussi de repenser les conditions d’une « double culture », conciliant les deux faces – technoscientifique et poétique – de la culture contemporaine.

Il a notamment publié :

– « Tête bien faite ou tête à refaire ? Imaginaire et rationalité de l’éducation ouverte », in Bachelard, Gonseth, Piaget : l’éducation ouverte, Cahiers Gaston Bachelard, n°9, Université de Bourgogne, 2007 ;

– « Nouvel esprit scientifique et seconde nature chez Bachelard », in G. Marmasse et N. Lechopier (s. dir.), La nature entre science et philosophie, Vuibert-SFHST, 2008 ;

– « Penser l’infiniment petit avec Gaston Bachelard. Nanotechnologies et microphysique », in Alliage, n°62, avril 2008 ;

– « Prolégomènes pour une (re)lecture imaginale de la poétique bachelardienne », in Bachelardiana, n°3, 2008 ;

– « Le dynamisme de la pensée scientifique chez Bachelard au regard du schématisme kantien et de l’intuition bergsonienne », in F. Worms et J.-J. Wunenburger (s. dir.), Bachelard et Bergson, continuité et discontinuité, PUF, 2008 ;

– « L’altérité au cœur de la solitude : l’être double et la division du sujet chez Bachelard », in L’altérité dans l’œuvre et la philosophie de Gaston Bachelard, Collection du CIRP, volume 4, Montréal, 2010 ;

– « Une (re)lecture bachelardienne de la dialectique du maître et de l’esclave de Hegel », in Bachelard et la pensée allemande, Cahiers Gaston Bachelard, n°11, Université de Bourgogne, 2010.

– A paraître en 2011 : « Le berceau de la maison : la critique bachelardienne de l’être jeté dans le monde » (ouvrage collectif)

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